Le 6 juin 2025, le projet de loi C-5, Loi édictant la Loi sur le libre-échange et la mobilité de la main-d’œuvre au Canada et la Loi visant à bâtir le Canada, a été déposé au Parlement. Il a reçu la sanction royale le 26 juin 2025. Le processus d’examen du projet de loi a été accéléré et condensé. Bien que l’IPFPC n’ait pas eu officiellement l’occasion de donner son avis, nous avons élaboré une position visant à encourager la mise en œuvre adéquate du projet de loi et à souligner son importance pour les Canadien·nes et les membres de l’IPFPC.
L’IPFPC appuie les modifications proposées par le CTC
L’IPFPC soutient la vision du Congrès du travail du Canada (CTC), lequel considère le projet de loi C-5 comme un catalyseur pour le commerce intérieur et les projets d’édification de la nation qui créent des emplois syndiqués durables et bien rémunérés dans l’ensemble du Canada.
Ces investissements peuvent générer des avantages économiques durables pour les travailleurs et travailleuses ainsi que les collectivités d’un bout à l’autre du pays.
Nous appuyons également la position du CTC qui soutient l’idée d’apporter les modifications clés suivantes au projet de loi :
- Limiter les pouvoirs ministériels en mettant en place des garde-fous législatifs clairs et un mécanisme parlementaire de vigie obligatoire;
- Clarifier les mécanismes d’application et de responsabilisation des cinq critères de l’« intérêt national » qui sont prévus par la Loi;
- Garantir des engagements solides et exécutoires en matière de normes du travail, d’ententes sur les avantages pour la communauté et de dispositions relatives à l’équité dans les projets nationaux;
- Enchâsser les campagnes « d’achats au Canada » et « d’achats de produits propres » pour s’assurer que ces projets suscitent la création d’emplois à l’échelle nationale et des progrès en matière de climat;
- Garantir un processus de consultation de haut niveau, fondé sur les droits, avec les peuples autochtones, qui comprend notamment le consentement libre, préalable et éclairé.
Ces modifications sont nécessaires. En effet, telle qu’elle est rédigée actuellement, cette loi accorde des pouvoirs discrétionnaires extraordinaires au/à la ministre responsable et à la gouverneure en conseil sans garanties suffisantes.
Consultation des autochtones
L’Assemblée des Premières Nations et d’autres organisations autochtones ont exprimé des préoccupations fondamentales quant à l’approche du projet de loi C-5 en matière de consultation des autochtones. Leur opposition s’articule autour de trois points essentiels :
- La remise en cause des droits constitutionnels et des droits issus de traités;
- L’affaiblissement de l’obligation de consultation et d’accommodement de la Couronne;
- Le mépris du principe du consentement libre, préalable et éclairé, tel qu’il est affirmé dans la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones (DNUDPA).
Bien que la DNUDPA soit mentionnée dans le projet de loi, il ne s’agit pas d’un critère obligatoire ni contraignant. Ce niveau de pouvoir discrétionnaire supprime toute obligation de donner la priorité aux droits des autochtones dans la prise de décisions. En outre, en contournant des lois fondamentales sur l’environnement, on affaiblit encore davantage la gouvernance autochtone sur les terres et les eaux.
L’IPFPC estime que le gouvernement fédéral devrait s’engager à établir une véritable relation de nation à nation, à se réconcilier et à remplir ses obligations au titre de la Loi sur la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.
Préoccupations environnementales
La Loi visant à bâtir le Canada permet au gouvernement d’accélérer des projets en passant outre à diverses autres lois du Parlement, notamment des lois environnementales telles que la Loi sur les pêches, la Loi canadienne sur la protection de l’environnement (1999), la Loi sur les espèces en péril, la Loi sur l’évaluation d’impact et la Loi sur les eaux navigables canadiennes, qui peuvent être contournées si elles s’opposent à un nouveau projet d’importance nationale.
Nos membres qui travaillent au sein de ministères tels qu’Environnement et Changement climatique Canada et Pêches et Océans Canada consacrent leur carrière à la protection de l’air, de l’eau, des forêts et des pêches. La loi actuelle menace de contourner leur expertise ainsi que les lois environnementales qu’ils et elles défendent.
L’IPFPC est favorable aux nouveaux projets nationaux, mais ceux-ci doivent être respectueux de l’environnement. Cet objectif doit être prévu par la Loi et les lois existantes sur l’environnement doivent être appliquées.
Rôle du secteur public
Lorsque les contribuables financent de grands projets nationaux, les bénéfices doivent rester entre des mains canadiennes. Ce principe va au-delà du sentiment patriotique; il s’agit d’une bonne politique budgétaire et d’une planification stratégique nationale.
La propriété et le contrôle canadiens ne doivent pas être négociables. Les projets construits à l’aide de fonds publics ne peuvent pas devenir des actifs détenus par des sociétés étrangères qui retirent de la valeur aux collectivités canadiennes. Nous avons besoin de mesures législatives explicites qui protègent les infrastructures que les Canadien·nes ont financées afin d’empêcher qu’elles soient acquises par des étrangers.
Les fonctionnaires fédéraux devraient diriger l’administration et la réalisation des projets. Nos professionnel·les de la fonction publique apportent une expertise inégalée, un savoir organisationnel et un engagement inébranlable en faveur des intérêts canadiens. Contrairement aux sous-traitant·es privés dont la loyauté suit les marges de profit, les fonctionnaires fédéraux sont responsables devant la population qu’ils et elles servent.
Les propriétés de l’État méritent d’être sérieusement considérées comme la garantie la plus efficace contre la prise de contrôle par des intérêts étrangers. Lorsque les gouvernements conservent des participations, ils gardent le contrôle des actifs stratégiques et veillent à ce que les bénéfices à long terme profitent aux collectivités canadiennes plutôt qu’à des actionnaires étrangers.
Les fonctionnaires qualifiés offrent un meilleur rapport qualité-prix que les coûteux sous- traitant·es externes. Nos fonctionnaires fédéraux allient l’excellence technique à la rentabilité et à l’obligation de rendre compte en démocratie. Le choix de la capacité interne plutôt que de la sous-traitance permet de conserver l’expertise tout en produisant des résultats supérieurs pour les contribuables.
Préoccupations des régulateur·rices fédéraux
La Commission canadienne de sûreté nucléaire (CCSN) et la Régie de l’énergie du Canada (REC) font l’objet d’une distinction particulière dans le cadre de la loi proposée. L’IPFPC représente la majorité des scientifiques et ingénieur·es syndiqués de ces deux organisations. Attendu qu’il est possible de déroger à de nombreuses mesures législatives pour obtenir une autorisation, les projets visés par celles qui régissent la CCSN et la REC nécessitent la confirmation que certains critères sont remplis. La CCSN est tenue de confirmer que ses projets ne compromettront pas la santé et la sécurité des personnes, la sécurité nationale et le respect des obligations internationales. Quant à la REC, elle est tenue de confirmer que ses projets ne compromettront pas la sécurité des personnes et des installations réglementées.
Il existe une grande incertitude au sein de ces organisations quant à la manière dont cette loi sera mise en œuvre. Certains craignent une pression accrue pour approuver plus de projets plus rapidement, alors qu’il n’est pas certain que ces organisations seront en mesure de réaliser les examens plus vite sans compromettre la sécurité. Ces craintes sont aggravées par des problèmes de dotation interne. Nos membres évoquent des pénuries et des problèmes de recrutement ainsi que de maintien en poste.
Lorsque l’industrie a besoin de personnel, il lui est souvent plus facile de débaucher des professionnel·les formés par les organismes de réglementation, qui ont à la fois l’expérience de l’industrie et la connaissance du système de réglementation. Les modifications législatives doivent s’accompagner d’investissements pour résoudre les problèmes actuels de dotation à la REC et à la CCSN.
Responsabilisation, surveillance démocratique et gouvernance
L’IPFPC est profondément préoccupé par la rapidité avec laquelle la Loi s’est frayé un chemin à la Chambre des communes, avec très peu de temps pour en débattre ou en discuter.
Nous sommes également préoccupés par le fait que tout ce qui est réputé être un « projet d’intérêt national » peut être approuvé à la hâte sans tenir compte des mesures législatives existantes. Cette situation porte atteinte à la primauté du droit et suscite des inquiétudes quant à la possibilité de conduites contraires à l’éthique.
Le Sénat a une responsable de régulariser la procédure législative. Une procédure correcte permet notamment ce qui suit :
- Une participation significative du public aux décisions d’approbation des projets;
- Un processus d’examen rigoureux avant d’ajouter des projets à l’annexe 1;
- Un engagement total des parties prenantes plutôt qu’une consultation superficielle.
La voie à suivre
Le projet de loi C-5 offre une occasion importante de renforcer les fondements économiques du Canada tout en faisant progresser la réconciliation, la protection de l’environnement et la gouvernance démocratique. Mais une occasion seule ne suffit pas; il faut aussi que ce projet de loi soit mis en œuvre correctement.
L’IPFPC appuie les modifications proposées par le CTC afin de veiller à ce que cette loi tienne sa promesse de construire un Canada plus fort et plus prospère qui fonctionne pour tout le monde.
Le choix est clair : Adopter des modifications significatives qui renforcent le projet de loi, ou risquer de saper les objectifs mêmes que cette loi cherche à réaliser.
Le Canada mérite mieux. La population canadienne s’attend à mieux. Avec de bonnes modifications, le projet de loi C-5 pourrait mieux répondre aux attentes.